
LES ENJEUX DES JEUX OLYMPIQUES : L'EXEMPLE DE LONDRES
La tribune géopolitique
Autrefois évènement sportif par excellence, les Jeux Olympiques sont devenus une manifestation avec des enjeux multiples pour les États requérants. Les J.O sont, pour le pays organisateur, un moyen de démontrer sa puissance autrement que par le déploiement de la force militaire.
Ces rencontres au sommet ont, en effet, régulièrement épousé, y compris dans leurs résultats, les aléas et les caractères fondamentaux de la géopolitique mondiale.

Le Baron Pierre de Coubertin, créateur des Jeux Olympiques modernes souhaitait faire émerger une nouvelle “géopolitique du sport”, différente de la géopolitique internationale.
La nomination du pays organisateur par le Comité International Olympique (CIO), huit ans avant la compétition, revêt d’une organisation complexe.
Le Comité International Olympique est la plus ancienne forme de gouvernance mondiale, créé en 1894. Son architecture actuelle a évolué au fur et à mesure de ses missions mais son internationalisation fut plus lente. Naguère représentation miniature d’une société conservatrice, il est aujourd’hui devenu, après les réformes du septième président Juan Antonio Samaranch (Espagne, 1980-2001), à l’image d’une holding financière et événementielle.
La mission essentielle du C.I.O est d’organiser les J.O quelques soient les aléas de la situation internationale.


Jeux-Olympiques d'été de 1896 à Athènes. Ils sont considérés comme les premiers de l'ère moderne et sont organisés par le CIO.
La nomination des pays organisateurs relève de la candidature des pays, d’un projet, mais surtout d'âpres négociations entre les différentes délégations des pays.
Cela permet de mieux comprendre l’organisation des JO dans des pays aux régimes douteux tels que ceux de 1936 dans l’Allemagne nazie ou encore ceux organisés en Russie sous Léonid Brejnev en 1980 et plus récemment ceux de Hu Jintao en 2008 (Chine) et de Vladimir Poutine en 2014 (Russie)...
Les efforts du CIO pour éviter, sans y réussir toujours, les boycotts en tout genre, sont nombreux comme par exemple lors de la Guerre Froide (1956, 1968, 1980 et 1984), du conflit israélo-arabe (1956).
Ses pratiques de négociations et de “cadeaux” entre État est encore bien présente comme le montre les accusations de l’ancien Maire de Paris, Bertrand Delanoe et du Premier ministre autrichien en 2007 après que les JO de 2012 furent octroyés à la ville de Londres.

Les comités olympiques nationaux prirent de plus en plus d’importance depuis 1930. Cette mutation de l’équilibre des pouvoirs au sein des instances directionnelles signifie la fin de l'apolitisme des Jeux Olympiques.
La perméabilité des Jeux Olympiques aux événements politiques internationaux tient aussi à la nature universelle qu’ils ont atteinte. Contrairement aux autres événements sportifs mondiaux, répartis sur une année (tennis, sports mécaniques…) ou quadriennaux (football, rugby…) mais de nature récente, la puissance symbolique des Jeux est le résultat d’une médiatisation croissante (schéma), mais aussi de son assise urbaine, qui permet toutes les ingérences politiques.

Durant plusieurs années, les J.O se sont rêvés comme un État apolitique permettant “aux peuples de se rassembler dans la paix” en promouvant l’esprit olympique. A l’issue de plus d’un siècle d’organisation, les J.O se révèlent comme une multinationale du sport, s'accommodant de toutes les situations politiques.

Pour beaucoup de spécialistes de la géopolitique comme Pascale Boniface, Directeur de l’Institut des Relations Internationales et stratégiques, les Jeux Olympiques de Londres sont une “course à la puissance”.
En effet, pas moins de 204 délégations ont participé à cette manifestation, regroupant ainsi 10.500 athlètes. C’est un record absolu. Cela s’explique par l’universalisme de la compétition. Le CIO compte plus de membres que l’ONU (207 contre 193). À partir des années 1950, les JO fournissent aux nations nouvellement créées l'occasion de signaler leur existence. Leur présence aux Jeux a souvent préfiguré une reconnaissance plus généralisée sur le plan international. Les gouvernements britanniques successifs se sont efforcés de mener une diplomatie “exemplaire”.

Pascal Boniface

Par ailleurs, la ville de Londres est la seule a avoir accueilli trois fois la compétition. Ainsi, le CIO s’assurait d’une présence maximale des pays et ne souhaitait pas revivre les polémiques à la suite de l’organisation des JO à Pékin ou en Russie notamment sur les conditions de travail des ouvriers construisant les sites olympiques.


Le baron Pierre de Coubertin souhaitait créer une “géopolitique du sport”. Aujourd’hui, le cas de Londres révèle bien la volonté du CIO de poursuivre son action en faveur de cet objectif.
C’est ainsi que la Syrie, alors que les tensions avec la communauté internationale au sujet de la situation dans le pays, a envoyé dix athlètes. Le CIO a refusé d’exclure la Syrie malgré “la situation dramatique”dans le pays.
Parfois, les tensions entre les pays qui ont une influence sur les athlètes sont trop fortes. Ainsi, les athlètes iraniens sont tout simplement interdits de concourir face à leurs homologues israéliens.
Pierre de Coubertin
Pour la première fois dans l’Histoire, l’Arabie-Saoudite a envoyé des femmes concourir aux JO. Le président du CIO de l’époque, Jacques Rooge, a déclaré avoir gagné un combat “surtout pour l’égalité homme-femme dans les pays du Golfe”.
En Grande-Bretagne, pays pourtant organisateur de l’évènement, parmi les athlètes, il n’y eut aucun Écossais ou Irlandais du Nord. En effet, les fédérations concernées n'ont jamais accepté l'idée même d'une équipe britannique, considérée comme une menace pour leur identité, voire leur survie à long terme.
Même si les tensions géopolitiques ne vont pas totalement disparaître avec la participation aux JO, il arrive parfois que les erreurs des organisateurs (même si elles sont humaines) renforcent les tensions. Par exemple, lors d’un match de football entre la Corée du Nord et la Colombie, le CIO a échangé le drapeau nord-coréen avec celui de la Corée du Sud. Finalement, après rectification de l’erreur, les joueuses ont fait le match.

Les JO de Londres sont considérés comme les premiers JO apolitiques car la majorité des pays du monde, quelque soit la situation de ceux-ci ou les tensions qu’ils peuvent susciter, ont participé à la compétition. De tout temps le sport fut un vecteur de communication pour les pays, leur permettant d'affirmer leur statut de nation puissante. Organiser un évènement tel que les Jeux Olympiques entraîne inéluctablement une reconnaissance planétaire. "Toute" la planète a les yeux rivés sur le pays organisateur depuis la cérémonie d'ouverture jusqu'à celle de clôture mais cela ne dure que 15 jours et ne remet pas en cause l’échiquier politique mondial.
Par conséquent, d’un point de vue géopolitique, le pays organisateur des JO ne gagne pas durablement en puissance car son influence ne va pas forcement s'accroître s’il organise les JO. C’est seulement durant quelques mois que le pays va avoir une influence, parfois, plus importante.